[Traduit de l'anglais]

Ne soyons pas déroutés par CodePlex1

Nombreux sont ceux de notre communauté qui ont des doutes à propos de la Fondation CodePlex. Avec son conseil d'administration dominé par des employés et ex-employés de Microsoft, sans compter l'apologiste Miguel de Icaza, il y a une multitude de raisons de se méfier de cette organisation. Mais cela ne prouve pas qu'elle agira mal.

Un jour, nous serons en mesure de juger cette organisation sur ses actes (y compris ses relations publiques). Aujourd'hui nous pouvons seulement essayer d'anticiper ce qu'elle va faire, en nous basant sur ses déclarations et sur les déclarations de Microsoft.

La première chose que nous constatons, c'est qu'elle esquive la question de la liberté des utilisateurs ; elle emploie le terme « open source » et ne parle pas de « logiciel libre ». Ces deux termes sont l'expression de philosophies différentes qui sont basées sur des valeurs différentes : les valeurs du logiciel libre sont la liberté et la solidarité sociale, tandis que l'open source cite seulement des valeurs de commodité pratique comme le logiciel puissant et fiable. Vous trouverez des explications supplémentaires dans « En quoi l'open source perd de vue l'éthique du logiciel libre ».

À l'évidence, Microsoft préférerait se confronter à la concurrence concrète de l'open source plutôt qu'aux critiques éthiques du mouvement du logiciel libre. Son habitude bien ancrée de critiquer seulement l'open source a une double utilité : attaquer un de ses opposants tout en détournant l'attention de l'autre.

CodePlex se conforme à la même pratique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciel commercial » de contribuer davantage à « l'open source ». Puisque presque tous les programmes open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront probablement libres, mais la philosophie « open source » n'apprend pas aux développeurs à défendre leur liberté. S'ils ne comprennent pas l'importance de cette liberté, les développeurs peuvent succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles qui sont vulnérables à la stratégie « d'inclusion et d'extension » ou à la cooptation de brevets, et à rendre le logiciel libre dépendant de plateformes privatrices.2

Cette fondation n'est pas le premier projet de Microsoft qui porte le nom de « CodePlex ». Il y a aussi codeplex.com, un site d'hébergement de projets qui exclut la version 3 de la GNU GPL de sa liste de licences autorisées. Cela découle peut-être du fait que cette licence est conçue pour empêcher la corruption du statut libre des logiciels par les brevets de Microsoft au moyen de transactions comme le pacte Novell-Microsoft. Nous ne savons pas si la Fondation CodePlex essaiera d'interdire la version 3 de la GPL, mais ce serait conforme au comportement habituel de Microsoft.

L'expression « éditeur de logiciel commercial » reflète une confusion singulière. Chaque entreprise est par définition commerciale, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu'il soit libre ou privateur, est automatiquement du logiciel commercial. Mais il existe une confusion répandue entre « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir « Mots à éviter ou à utiliser avec précaution »).

Cette confusion pose un grave problème parce qu'elle conduit à prétendre, à tort, que les entreprises du logiciel libre ne peuvent pas exister. Beaucoup de sociétés de logiciel contribuent déjà au logiciel libre, et ces contributions commerciales sont très utiles. Microsoft voudrait peut-être faire croire aux gens que cette réalité est impossible.

Tout ceci nous montre que CodePlex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Elle répandra subtilement l'idée que le commerce du logiciel libre est impossible sans le support d'une société de logiciel privateur comme Microsoft. Toutefois, elle peut convaincre certains éditeurs de logiciel privateur de publier de nouveaux logiciels libres. Est-ce que ce sera une contribution à la liberté des utilisateurs de l'informatique ?

Oui, si le logiciel ainsi donné à la communauté fonctionne bien sur les plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c'est juste l'opposé du but que Microsoft a déclaré poursuivre.

Sam Ramji, l'actuel président de CodePlex, a dit il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d'alors) voulait promouvoir le développement d'applications libres qui incitent à utiliser Microsoft Windows. Peut-être le but de CodePlex est-il de suborner les développeurs d'applications pour qu'ils fassent de Windows leur plateforme principale. Parmi les projets hébergés actuellement sur codeplex.com, beaucoup sont des modules complémentaires pour des logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire à l'ancien « piège Java ».

Ce serait préjudiciable si cela réussissait, car un programme qui ne fonctionne pas (ou ne fonctionne pas bien) dans le monde du Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter d'être lésés de cette façon, nous devons rejeter les plateformes systèmes privatrices aussi bien que les applications privatrices. Les modules complémentaires libres pour une base privatrice proposés par CodePlex augmentent la dépendance de la société à cette base – le contraire de ce dont nous avons besoin.

Est-ce que les développeurs d'applications logicielles vont résister à cette tentative de saper notre progrès vers la liberté ? C'est là que leurs valeurs se révéleront primordiales. Les développeurs qui adhèrent à la philosophie « open source », qui ne donne pas de valeur à la liberté, peuvent ne pas se soucier de savoir si les utilisateurs de leur logiciel l'exécutent sur un système d'exploitation libre ou privateur. Mais les développeurs qui exigent la liberté, pour eux-mêmes et pour les autres, peuvent reconnaître le piège et s'en tenir à l'écart. Pour rester libres, nous devons faire de la liberté notre objectif.

Si la Fondation CodePlex souhaite vraiment contribuer à la communauté du logiciel libre, elle ne doit pas avoir pour but de faire des modules complémentaires libres pour des logiciels non libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur les plateformes libres basées sur GNU/Linux et autres systèmes d'exploitation libres. Si elle use de séduction pour essayer de nous entraîner dans la direction opposée, nous devons faire en sorte de refuser.

Que les actions de la Fondation CodePlex soient bonnes ou mauvaises, nous ne devons pas les accepter comme excuse pour les agressions commises par Microsoft contre notre communauté. Depuis ses récentes tentatives de vendre des brevets à des trolls pour faire des crasses à GNU/Linux par leur intermédiaire, jusqu'à sa promotion de longue date de la gestion numérique des restrictions, Microsoft ne cesse d'agir à notre détriment. Nous serions bien idiots de laisser quoi que ce soit nous le faire oublier.


Notes de traduction
  1. Le titre anglais est « Lest CodePlex Perplex », une manière très raccourcie d'exprimer la perplexité, renforcée par la répétition phonétique. L'omission du complément de perplex est elle-même source de perplexité pour le lecteur (on attendrait normalement « … Perplex Us » ou « … Perplex You »). Une traduction littérale pourrait être « De peur que CodePlex ne nous (vous) plonge dans la perplexité », ce qui est loin d'être aussi percutant.
  2. Autre traduction de proprietary : propriétaire.