[Traduit de l'anglais]

Discours pour le Harvard Journal of Law and Technology

23 février 2004 – Cambridge, Massachusetts, USA

Merci. C'est un grand plaisir d'être ici. Je voudrais remercier le Journal of Law and Technology et Jonathan Zittrain de leurs efforts conjoints pour ce parfait accueil. C'est vrai que je me sens quelque peu dépassé à la perspective d'essayer de parler pendant un temps appréciable d'un procès qui n'avance pas vraiment. Je vais cependant mentionner le procès SCO à l'occasion, au cours de mes remarques.

M. McBride, quand il était ici, a eu l'amabilité de me citer une ou deux fois, je vais donc lui retourner cette faveur. J'espère que vous remarquerez, pour ceux d'entre vous qui ont suivi la conversation, que je suis prompt à répondre à ses remarques. Cependant je ne pense pas que le faire sous cette forme pourrait mener, comme Jonathan le suggère, à une soirée particulièrement intéressante intellectuellement parlant.

Le logiciel libre, vous savez, j'en suis sûr, que je ne l'ai pas inventé, qu'il est free as in freedom, not free as in beer.1 Un des principaux problèmes de la conversation que nous avons eue au sujet de ce procès avec votre série d'invités distingués cette année est qu'au moins jusqu'ici, il a été suggéré, semble-t-il, que le but de ceux d'entre nous qui croient dans le mouvement du logiciel libre serait surtout d'empêcher les gens de dégager un profit dans l'industrie informatique.

Certains suggèrent que cela résulte d'une violente antipathie envers l'idée de profit ou d'une antipathie particulière envers l'idée que les gens aient besoin d'incitations financières pour faire ce qu'ils font. Je m'autorise au passage à préciser que nous croyons fortement à la valeur des incitations financières, bien que nous abordions ce problème d'une manière légèrement différente de celle de M. McBride. Mais au final il ne s'agit pas – et nous devons débuter par là – au final il ne s'agit pas de rendre les chose gratuites. Il s'agit de rendre les choses libres.

Le but du mouvement du logiciel libre est de donner aux gens la capacité de comprendre, apprendre, améliorer, adapter et partager la technologie qui domine de plus en plus toute vie humaine.

L'équité en laquelle nous croyons fondamentalement et dont il s'agit ici n'est pas que les choses soient gratuites. Elle est que nous soyons libres et que nos pensées soient libres ; que nous soyons capables d'en savoir le plus possible à propos du monde dans lequel nous vivons, et que nous soyons le moins possible prisonniers du savoir d'autres personnes, au-delà de la satisfaction de notre propre compréhension et initiative.

Cette idée repose sur l'intense désir qui anime mon cher ami et collègue, Richard Stallman, depuis le début des années 80, de donner le jour à un monde dans lequel tous les logiciels nécessaires à quiconque pour faire quoi que ce soit seraient disponibles selon des conditions permettant le libre accès aux savoirs que ces logiciels contiennent, ainsi que la possibilité de créer librement des connaissances supplémentaires et d'améliorer librement la technologie existante par sa modification et son partage.

C'est le désir d'une libre évolution du savoir technique. Une descendance par modification non perturbée par des principes interdisant l'amélioration, l'accès et le partage.2 Si vous y réfléchissez, cela sonne plutôt comme un engagement à encourager la diffusion des sciences et des arts utiles en promouvant l'accès à la connaissance.

Bref, l'idée du mouvement du logiciel libre n'est ni hostile, ni opposée d'une quelconque façon à l'ambition du XVIIIe siècle d'améliorer la société et l'être humain par l'accès à la connaissance.

La « clause du copyright » de l'article 1, section 8,3 est l'un des nombreux moyens grâce auxquels nos pères fondateurs, plutôt moins réalistes qu'on ne les dépeint habituellement, ont participé à la grande croyance du XVIIIe siècle dans la perfectibilité du monde et de la vie humaine.

La clause du copyright est une manifestation juridique particulière de l'idée de perfectibilité basée sur l'accès au savoir et sur son partage. Cependant, nous, les héritiers du XXIe siècle de cette promesse, vivons dans un monde dans lequel on peut douter que les principes de propriété, rigoureusement appliqués, avec leur inévitable corollaire d'exclusion – c'est à moi, vous ne pouvez pas l'avoir tant que vous ne me payerez pas – que les principes de propriété contribuent à notre but commun d'améliorer la vie humaine et la société par l'accès au savoir.

Depuis vingt ans nous affirmons que, dans la mesure où elles encouragent la diffusion des sciences et des arts utiles, les règles du copyright sont bonnes. Et que dans la mesure où elles découragent la diffusion des sciences et des arts utiles, elles peuvent être améliorées.

Nous les avons améliorées, pardonnez-moi de nous en attribuer le crédit, nous les avons améliorées, et de façon substantielle, sans nier aucune des règles existantes sur le copyright. Au contraire, nous avons été tout à fait scrupuleux à ce sujet.

Une des choses qui m'amusent au milieu de la rhétorique qui agite les esprits en ce moment, est à quel point mes activités habituelles d'avocat me semblent curieusement orthodoxes.

Bien que pas forcément bien accueilli à Los Angeles, je me retrouve en train de me comporter exactement de la même façon qu'un tas d'avocats de Los Angeles. Je veux que les copyrights de mes clients soient respectés, et je passe une bonne partie de mon temps à essayer péniblement de faire jouer les gens selon les règles-mêmes qui figurent dans le droit du copyright, lequel, paraît-il, je suis si occupé à essayer de détruire.

Le logiciel libre est une tentative d'utiliser les principes du XVIIIe siècle d'incitation à la diffusion du savoir pour transformer l'environnement technique des êtres humains. Et comme le dit Jonathan, mon opinion personnelle à ce sujet est que le démarrage de notre expérience est plutôt un succès.

C'est à cause de ce succès qu'il y a maintenant contre elle un retour de flamme, dont l'un des éléments mineurs est la controverse qui secoue actuellement le monde, l'affaire SCO contre IBM. Apparemment elle est censée devenir bientôt, selon ce qu'a dit M. McBride lorsqu'il était ici, SCO contre un truc appelé la communauté Linux.

Je ne pense pas que ce soit ce qui se passe réellement, mais c'est certainement ce que M. McBride est venu dire ici.

Donc je ferais mieux de parler un moment de notre point de vue sur la situation que M. McBride décrit comme un excellent test pour savoir si les produits libres sont en train d'une manière ou d'une autre de tuer les incitations à la production sur Internet.

Le logiciel libre, dont le système d'exploitation appelé Linux est un exemple très important parmi des milliers, le logiciel libre est la plus grande bibliothèque de références techniques sur la planète Terre, pour le moment.

La raison pour laquelle je dis cela est que le logiciel libre est la seule collection d'informations fixée sous une forme tangible, au moyen de laquelle n'importe qui, de n'importe où, peut évoluer de la totale ignorance à la pointe du progrès dans un domaine technique essentiel – ce que l'on peut faire faire à un ordinateur – uniquement en consultant du matériel qu'il ou elle est entièrement libre d'adapter et réutiliser, par tous les moyens souhaités.

Nous rendons possible l'apprentissage dans le monde entier en autorisant les gens à expérimenter, non avec des jouets, mais avec les vrais outils qu'on utilise effectivement pour faire tout le bon travail.

Dans ce but, nous sommes engagés dans la réalisation d'un système éducatif et d'un système d'amélioration du capital humain qui porte la promesse d'encourager la diffusion de notre science et de notre art utile d'une manière qui contribue à la perfectibilité de l'être humain.

C'est ce que nous essayons de faire, et nous l'avons fait. Nous sommes, apparemment, en train de mettre en faillite une entreprise appelée Santa Cruz Operation [sic] – ou SCO Ltd. Ce n'était pas notre intention. C'est le résultat d'une chose appelée le potentiel de destruction créatrice du capitalisme, identifiée jadis par Joseph Schumpeter. Nous faisons un truc mieux et à moindre coût que ne le font ces personnes qui utilisent l'argent des autres pour le faire. Ce résultat – fêté partout où l'on croit réellement au capitalisme – est que les entreprises existantes vont devoir changer leur mode opératoire ou quitter le marché. C'est généralement vu comme un résultat positif, associé aux énormes augmentations de bien-être que le capitalisme fête à chaque occasion en espérant que les quelques défauts qu'il pourrait avoir seraient moins visibles une fois cet énorme bénéfice bien mis en évidence.

M. McBride ne veut pas faire faillite. C'est compréhensible. M. Gates ne veut pas faire faillite non plus. Mais ils sont tous deux du mauvais côté d'un problème spécifique à l'économie politique du XXIe siècle : ils voient le logiciel en tant que produit. Pour rendre leur « modèle économique » efficace, le logiciel doit donc être une chose rare. Et de cette rareté du logiciel on pourra tirer un prix qui inclura une rente économique grâce à laquelle M. McBride a suggéré que quelqu'un pourra acheter une résidence secondaire.

M. McBride pensait que c'était les programmeurs qui seraient capables d'acheter une résidence secondaire, mais les personnes qui comprennent vraiment l'état actuel de l'industrie logicielle reconnaissent que les programmeurs n'achètent pas de résidence secondaire par les temps qui courent. Ce que M. McBride veut dire, je pense, c'est que les dirigeants qui emploient les programmeurs, et les financiers qui emploient les dirigeants qui emploient les programmeurs, achèteront une résidence secondaire grâce au modèle le-logiciel-est-un-produit pendant quelque temps encore.

Nous pensons que le logiciel n'est pas un produit, parce que nous ne croyons pas que des gens doivent en être exclus. Nous pensons que le logiciel est une forme de savoir. L'International Business Machines Corporation (IBM), la Hewlett Packard Corporation, ainsi que bon nombre d'autres organisations représentées ce soir physiquement ou par la pensée, ont une autre théorie, à savoir qu'au XXIe siècle le logiciel est un service, une forme de service public associé au fait de savoir en tirer le meilleur parti. Ceci, d'une manière générale, rend possible la croissance économique pour les entreprises privées ; cette croissance dégage un surplus qui peut être utilisé pour payer les personnes qui aident à le produire en tirant le meilleur parti possible de ce service public.

Je pense qu'il serait utile d'indiquer, si vous le voulez bien, que nous vivons actuellement dans un monde où, si je peux employer une métaphore, M. McBride et ses collègues – et je veux effectivement parler de ceux de Redmond, ainsi que de ceux de l'Utah – pensent que toutes les routes devraient être à péage. La possibilité d'aller d'un endroit à un autre est un produit. Achetez-le ou nous vous excluons de cette possibilité. D'autre personnes croient que les autoroutes devraient être des services publics. Trouvons le moyen d'utiliser les autoroutes de la meilleure façon possible, de sorte que tout le monde puisse en bénéficier – par la réduction des coûts du transport des marchandises et de la mise à disposition de services – et il y aura de l'argent en quantité pour payer les ingénieurs de la circulation routière et les gens qui réparent les nids de poule.

Nous croyons, pour ce que vaut notre point de vue sur l'économie du marché logiciel au XXIe siècle – après tout c'est nous qui l'avons transformée – nous croyons que la conception de service public du logiciel reflète mieux l'actualité économique du XXIe siècle. Nous ne sommes pas surpris que M. McBride fasse faillite avec l'autre modèle économique.

M. McBride déclare qu'il est en train faire faillite parce que quelqu'un lui a pris ce qui lui appartient. C'est un procès. Il s'avère cependant que nous ne sommes pas les gens dont il croit qu'ils ont pris ce qui ne lui appartient en fait pas. Sa théorie est que différentes personnes ont promis à AT&T, à différents moments, qu'ils feraient ou ne feraient pas différentes choses, que certaines de ces personnes ayant promis jadis à AT&T de faire ou de ne pas faire différentes choses n'ont pas tenu leurs promesses et que c'est Linux, un programme informatique distribué sous licence libre, qui en a bénéficié.

M. McBride peut avoir raison à ce propos comme il peut avoir tort. Nous ne connaissons pas le contenu de ces contrats d'une manière générale, et nous ne sommes même pas sûrs, comme M. McBride vous l'a précisé quand il était ici, qu'il soit le bénéficiaire de ces contrats. Il est actuellement engagé dans un contentieux où il essaie de prouver qu'il a effectivement ce qu'il prétend posséder – certains droits contractuels dont il affirme qu'ils lui ont été cédés par Novell. Je n'ai aucune opinion sur l'identité du propriétaire de ces droits, et je souhaite à M. McBride bonne chance pour sa procédure.

Mais M. McBride a également prétendu que nos travaux créatifs sont d'une certaine manière affectés par ces litiges contractuels, affectés dans le sens où il a déclaré, bien que jusqu'ici cela n'ait pas été suivi d'effet, que les utilisateurs de logiciels libres sont redevables envers lui, ou sa société, sur la base de revendications issues de relations contractuelles entre AT&T, Sequent, IBM et d'autres, sur une certaine période.

J'ai passé pas mal de temps en réflexions fastidieuses sur chaque épisode de l'histoire pour savoir s'il pourrait mener à une revendication de copyright contre des tierces parties, comme M. McBride et ses collègues l'ont rapporté.

J'ai passé tout ce temps parce qu'il y avait dans le monde de nombreuses tierces parties impliquées par les revendications de M. McBride concernant des problèmes de copyright. J'ai démonté des exemples fantômes de ce qui était appelé travail dérivé mais n'était pas du travail dérivé au sens juridique, ou des revendications de copyright qui se sont révélées porter sur du code dont on ne pouvait pas déterminer le propriétaire et qui appartenait au domaine public depuis des années, ou du code que M. McBride, selon ses dires, était chargé d'empêcher les gens d'utiliser, longtemps après leur avoir délibérément donné ce même code avec la promesse qu'ils pouvaient l'utiliser, le copier, le modifier et le distribuer comme ils le voudraient.

Et petit à petit, je me suis rendu compte qu'il n'existait pas un seul moyen, pour l'entreprise de M. McBride, de revendiquer contre des tierces parties – qui jamais, de près ou de loin, n'avaient été en contrat privé avec AT&T ou leurs successeurs sur du code présent dans le système d'exploitation Unix – quoi que ce soit qui puisse les forcer à payer des dommages et intérêts ou les empêcher d'utiliser du logiciel libre.

C'est cela que nous appelons SCO ; non pas un procès basé effectivement sur des promesses échangées entre IBM et AT&T, mais une croyance mystérieuse que quelque part dans le monde des dizaines de milliers de gens devraient arrêter d'utiliser du logiciel valant des milliards de dollars dont nous leur avons rendu possible l'acquisition pour un coût marginal, uniquement à cause de quelque accord entre AT&T et quelqu'un d'autre de qui la société de M. McBride a repris les intérêts.

Je ne vois aucune substance dans cette revendication. Et je suis prêt, sous la conduite de vos questions fouillées et hostiles, à expliquer par le menu pourquoi je pense que c'est vrai. Mais j'ai publié ces différentes investigations, et je ne veux pas les récapituler ici ce soir. Je pense que ce serait un gaspillage du temps que nous passons ensemble.

Dans le répertoire www.gnu.org/philosophy/sco, le tout en minuscule, vous trouverez les différents articles que nous avons écrits sur ces sujets, M. Stallman et moi, et dans lesquels, je l'espère, nous avons relevé en détail chaque point.

Mais il est difficile de résister à l'envie de parler de la Cour suprême des États-Unis dans une salle de cours de la Harvard Law School. Je voudrais donc, juste pour un moment, faire un peu d'« observation de tribunal ».4

M. McBride, quand il est venu ici, a eu beaucoup à dire sur un cas appelé Eldred contre Ashcroft, dans lequel M. McBride a découvert que la Cour suprême des États-Unis s'est prononcée par 7 à 2 contre le logiciel libre et en faveur du capitalisme [rires dans l'assistance]. Ce qui est bizarre, c'est que le jour même où M. McBride se tenait ici pour discuter de ce sujet avec vous, j'étais à Los Angeles pour discuter de la même chose avec un quidam nommé Kevin McBride, frère de M. McBride et auteur du document dont il parlait.

Dans cette discussion, Kevin McBride avait l'avantage d'être avocat, ce qui aide un peu pour parler de la Cour suprême des États-Unis. Mais cette aide n'a pas été tout à fait suffisante.

L'astuce de base pour discuter d'une affaire – je frémis de dire cela dans cette salle où j'ai enseigné à des élèves de première année en droit – l'astuce de base pour discuter d'une affaire est de séparer le holding du dicta,5 un travail avec lequel les avocats tout autour de la planète, ainsi que chacun d'entre vous, ont occupé nombre de mois lugubres de septembre et octobre.

Les McBride, à eux deux – j'ai parfois l'impression d'être dans une sorte de film de Quentin Tarantino avec eux [rires] – les McBride n'ont pas réussi à distinguer de manière adéquate le holding du dicta.

Je n'aime pas Eldred contre Ashcroft. Je pense que le jugement n'a pas été bien rendu. Dans cette affaire, j'ai fait un mémoire d'amicus curiae et aidé mon collègue et ami Larry Lessig dans la présentation des arguments principaux, qui n'ont, malheureusement, pas gagné.

Bizarrement, et je vous en expliquerai juste assez pour vous le montrer, bizarrement, c'est la position que nous avons prise dans Eldred contre Ashcroft – si vous vous en tenez au holding plutôt qu'au dicta – qui serait favorable à la position que M. McBride défend actuellement. Ce qui s'est passé dans Eldred contre Ashcroft, contrairement à la présentation qui en est faite, est en fait mauvais pour l'argument que M. McBride a présenté, quel que soit le M. McBride. Mais ils n'y ont pas assez réfléchi.

Laissez-moi vous expliquer pourquoi. L'énorme difficulté qu'a SCO avec le logiciel libre n'est pas leur attaque ; c'est leur défense inadéquate. Pour vous défendre dans une affaire dans laquelle vous enfreignez la liberté du logiciel libre, vous devez être prêt à répondre à un appel téléphonique que je passe assez souvent avec mes collègues de la Fondation présents ici ce soir. La conversation ressemble à ceci :
« M. le Défendeur Potentiel, vous distribuez une œuvre placée sous copyright de mon client sans sa permission. Veuillez cesser. Et si vous voulez continuer à la distribuer, nous vous aiderons à retrouver vos droits de distribution, qui ont cessé avec votre infraction, mais vous allez devoir le faire de la bonne façon. »

Au moment où je passe cet appel, l'avocat du défendeur potentiel a désormais un choix. Il peut coopérer, ou se battre avec nous. Et s'il va en justice pour se battre avec nous, il aura un second choix à faire. Nous dirons au juge : « M. le Juge, M. le Défendeur a utilisé notre œuvre protégée par copyright, l'a copiée, modifiée et distribuée sans notre permission. Merci de le faire cesser. »

Une des choses que le défendeur peut répondre est : « Vous avez raison. Je n'ai pas de licence. » Les défendeurs ne veulent en général pas dire cela, car s'ils le font, ils perdent. Donc les défendeurs, quand ils imaginent ce qu'ils diront au tribunal, réalisent que ce qu'ils diront est : « Mais M. le Juge, j'ai une licence. C'est ce document, la GNU GPL, la licence publique générale. » À ce moment-là, comme je connais assez bien la licence et que je sais de quelle manière elle est violée, je dirai : « Eh bien M. le Juge, il avait cette licence mais a violé ses termes et selon l'article 4 de cette licence, quand il a violé ses termes elle a cessé de fonctionner pour lui. »

Mais notez que pour survivre le premier instant d'un procès sur le logiciel libre, c'est le défendeur qui doit agiter la GPL. C'est son autorisation, la clé maîtresse qui lui assure un procès de plus d'une nanoseconde.6 Ceci, très simplement, est ce qui explique la déclaration que vous avez entendue – M. McBride l'a faite ici il y a quelques semaines – à savoir que la GPL n'a jamais été attaquée en justice.

Pour tous ceux qui aiment dire que la GPL n'a jamais subi le test d'une attaque en justice, je n'ai qu'une chose très simple à répondre : « J'aurais été très heureux de m'y lancer. Ce sont les défendeurs qui n'ont pas voulu. Et si, pendant dix ans bien tassés, tout le monde a laissé passer l'occasion de lancer une bataille juridique, devinez quoi ? Ce n'est pas sans raison. »

La GPL a été une réussite pendant les dix ans où je m'en suis occupé, parce qu'elle marchait, pas parce qu'elle ne marchait pas ou était mise en doute. M. McBride et ses collègues font maintenant face à cette même difficulté, et la personne en face est IBM – une grosse, riche et puissante société qui n'a pas l'intention de lâcher le morceau.

Ils ont distribué le noyau du système d'exploitation, un programme appelé Linux. Je veux dire, SCO l'a fait. Ils continuent de le faire pour leurs anciens clients puisqu'ils ont une responsabilité contractuelle de fournir la maintenance.

Quand ils distribuent ce programme qu'on appelle Linux, ils distribuent l'œuvre de milliers de personnes, et ils le font sans licence, puisqu'ils ont détruit la leur en essayant d'y rajouter des clauses, en ajoutant des frais de licence supplémentaires en violation des articles 2 et 6 de la GPL.

Selon l'article 4 de la GPL, quand ils l'ont violée, ils ont perdu leur droit de distribution, et IBM a dit dans une demande reconventionnelle de son procès : « M. le Juge, ils distribuent notre œuvre placée sous copyright sans aucune permission. Faites-les cesser. »

S'ils étaient malins, chez SCO, ils auraient dit : « Mais votre Honneur, nous avons une licence. C'est la GNU GPL. » Maintenant pour des raisons que nous pourrions expliquer, mais ce n'est pas nécessaire, ils n'ont pas voulu dire cela, peut-être parce que cela aurait posé problème aux autres revendications de leur procès, ou peut-être parce qu'ils avaient reçu un investissement de 10 millions de dollars de Microsoft, mais nous reparlerons de cela plus tard j'en suis sûr, au moment des questions.

En tout cas, ils n'ont pas dit cela. Ce qu'ils ont répliqué est : « Mais M. le Juge, la GNU GPL viole la Constitution des États-Unis, la loi sur le copyright, la loi sur le contrôle des exportations, » et j'ai oublié s'ils ont ajouté ou non la Charte des Nations unies sur des droits humains [rires].

Pour le moment, limitons-nous simplement à la question de savoir si la GPL viole la Constitution des États-Unis. J'en profite pour revenir sur Eldred contre Ashcroft.

Dans Eldred contre Ashcroft, 435 membres du Congrès et une centaine de sénateurs ont été achetés avec ruse pour rendre le copyright éternel. Ce pot-de-vin, qui bien sûr était parfaitement légal et avait pour nom « campagne de contribution », a été offert au Congrès pour obtenir une extension de la durée des copyrights.

En 1929, « Steamboat Willy » a pour la première fois montré au public une créature appelée Mickey. D'après les termes du copyright de l'époque, inchangés jusqu'à très récemment, la durée des droits d'auteur détenus par une société était de 75 ans. S'il n'y avait pas eu cette action au Congrès en 2004, Mickey aurait échappé au contrôle de son propriétaire, du moins sous la loi du copyright. Cela, bien évidemment, rendait nécessaire une réforme législative majeure pour empêcher l'échappée de Mickey dans le domaine public.

L'extension de la durée du copyright rend aujourd'hui possible que, de temps en temps, le Congrès étende la durée des copyrights d'une courte période ; et ceci, qu'un Sonny Bono plante ses skis dans un arbre dans les dix prochaines années, ou non. Ensuite, chaque fois que la boule de Times Square sera sur le point de descendre,7 ils allongeront cette durée un peu plus. Et ainsi de suite indéfiniment. Rien ne pourra plus jamais s'échapper vers le domaine public, et Mickey encore moins.

Le professeur Lessig, Eric Eldred, moi-même ainsi que de nombreuses autres personnes tout aussi sensées ont pensé que cela ne se conformait pas à la grande idée de perfectibilité de l'être humain par le partage de l'information. Nous doutions qu'assurer petit à petit une propriété illimitée dans la durée était réellement une forme d'incitation à la diffusion de la science et des arts utiles, et nous avons suggéré à la Cour suprême que, sur cette seule base, la loi sur l'extension de la durée du copyright [Copyright Term Extension Act] devrait être annulée. Nous avons été, comme l'a remarqué M. McBride, proprement désavoués.

Il s'avère qu'il n'existe rien de tel qu'une règle inconstitutionnelle sur le copyright, si le Congrès l'a votée et si elle observe la distinction entre l'expression et l'idée – ce que le Congrès indique comme garantie constitutionnelle que le copyright ne viole pas la liberté d'expression – pourvu que les droits d'« usage raisonnable » [fair use] soient maintenus de manière adéquate.

En bref, la conclusion d'Eldred contre Ashcroft est que le Congrès peut faire la loi sur le copyright comme il le souhaite, et que toutes les licences issues de cette loi présumée constitutionnelle sont à l'abri de toute remise en question constitutionnelle.

J'ai une grande nouvelle pour M. McBride. La loi en vigueur sur le copyright est constitutionnelle, et notre licence, qui observe scrupuleusement toutes les conditions que cette loi lui impose, est également constitutionnelle, par présomption. Ce serait seulement dans un monde où nous aurions gagné dans l'affaire Eldred contre Ashcroft – dans lequel, si vous voulez, chaque licence de copyright subirait un examen complet en bonne et due forme pour vérifier si oui ou non elle remplit les critères du copyright décrits dans la section 8 de l'article 1 – que M. McBride et ses amis pourraient ne serait-ce que venir à la barre d'un tribunal des États-Unis affirmer qu'une licence de copyright est inconstitutionnelle.

En d'autres termes, c'est dommage pour M. McBride, mais nous avons perdu dans Eldred contre Ashcroft, et la revendication même qu'il défend a péri ainsi que d'autres revendications beaucoup plus valables, du moins jusqu'au jour où la Cour suprême changera son verdict dans l'affaire Eldred contre Ashcroft.

Pour M. McBride, la rhétorique pro-capitaliste avec laquelle le Juge Ginsberg a annoncé la décision de la Cour suprême est une bien maigre consolation. Et, en tant qu'observateur également mécontent du verdict d'Eldred contre Ashcroft, je lui souhaite bonne chance pour sa consolation, mais lui et moi étions dans le même camp sur cette affaire, même s'il ne le savait pas, et les arguments juridiques qu'il souhaite maintenant présenter ont malheureusement fait fiasco. Notez bien, même s'il était autorisé à présenter à la cour l'idée que les licences de copyright soient jugées pour leur adéquation avec la Constitution, nous vaincrions triomphalement.

Il n'y a aucune licence de copyright aux États-Unis aujourd'hui – j'affirme cela sans l'expliquer plus avant, mais nous pouvons en parler si vous le souhaitez – il n'y a aucune licence de copyright aux États-Unis aujourd'hui qui colle mieux à l'idée du copyright de Thomas Jefferson, ou même à la conception du copyright contenue dans la section 8 de l'article 1, que la nôtre. Car nous poursuivons une tentative de diffusion du savoir et des arts utiles qui s'est déjà montrée bien plus efficace dans la diffusion du savoir que toute la distribution à but lucratif de logiciels privateurs,8 opérée actuellement par le monopole le plus imposant et le mieux financé de l'histoire mondiale.

Mais malheureusement, M. McBride ne nous amènera pas au stade nous autorisant à dire cela à la Cour suprême des États-Unis, dans laquelle nous vaincrions glorieusement, car cette Cour a déjà décidé que les licences de copyright étaient constitutionnelles pour peu que les membres du Congrès aient encaissé les contributions à leur campagne, procédé au vote et transmis la loi chewing-gum résultante à la Maison-Blanche pour recevoir le tampon obligatoire. Mais j'accueillerai volontiers M. McBride dans une campagne pour un copyright moins restrictif aux États-Unis dès qu'il se sera rendu compte, juridiquement parlant, de quel côté se trouve la confiture. Malheureusement, comme vous le réalisez tous, nous ne pouvons pas retenir notre respiration en attendant que l'illumination le frappe. Si seulement M. McBride suivait les cours de la Harvard Law School !

C'est suffisant, je pense, à propos de SCO, bien que je sois enchanté de répondre à vos questions à ce sujet, le moment venu. En tant que procès sur le copyright, c'est en fait un désert. Il ne contient aucune revendication de copyright. Il y a certes quelques revendications sur des contrats passés entre IBM et SCO et elles seront, au moment voulu, réglées par les tribunaux ; j'attends avec un intérêt modéré leurs conclusions. Une menace pour la liberté du logiciel libre ? Pas du tout. Une sacrée nuisance, certainement. Et je pense, malheureusement, continuer à passer une bonne partie de mon temps à éliminer cette nuisance, mais sans trop avoir le sentiment d'une menace planant sur les choses auxquelles je tiens vraiment, dont ceci n'est pas un très bon échantillon.

Je voudrais donc plutôt vous parler du futur juridique du logiciel libre tel qu'il est vraiment, et non pas comme le voit M. McBride, un combat titanesque entre l'« American way of life » et ce que nous sommes censés être. J'aimerais dire à propos de ce combat qu'il me semble familier. De plus en plus, j'écoute M. McBride et j'entends M. Ballmer ; vous aussi peut-être. C'est-à-dire que je considère maintenant SCO comme un organe de presse du monopole de Microsoft, qui a les poches plus pleines et un problème à plus long terme avec ce que nous faisons.

Microsoft est une société très riche, et elle pourrait réussir sur le modèle économique du logiciel-en-tant-que-service-public au XXIe siècle. Mais malgré toute la profondeur d'esprit de M. Gates, l'idée de liberté de l'être humain n'est pas quelque chose qu'il enregistre facilement. Et l'idée de transformer son entreprise en entreprise de service, pour des raisons qui je pense, nous sont accessibles à tous, ne lui plaît pas. Donc, pour la survie du monopole de Microsoft, et je veux effectivement parler de survie, la théorie de M. McBride que nous sommes en train de faire quelque chose d'horrible à l'American way of life doit prévaloir. Malheureusement pour Microsoft, ce ne sera pas le cas, parce que ce que nous faisons actuellement est plus visible au monde que ce que son point de vue de propagande ne le prévoit. Nous devons de toute façon continuer notre travail, qui favorise la liberté du savoir et en particulier la liberté du savoir technique, et ce faisant nous devons surmonter les vrais défis que nous présente le monde dans lequel nous vivons, défis qui ne sont pas SCO ; je voudrais passer encore quelques minutes à vous en parler.

Le logiciel est, selon notre phraséologie, free/libre. C'est-à-dire que nous avons maintenant un ensemble de logiciels accessibles à n'importe qui sur terre, si robustes et si puissants dans leurs possibilités que nous sommes capables en permanence, en quelques homme-mois, de réaliser n'importe quel souhait de n'importe qui en informatique. Et bien sûr de nouvelles choses surgissent constamment que les gens ont envie de faire, et qu'ils font. Dans ce sens, et je le dis avec une énorme satisfaction, dans ce sens le mouvement du logiciel libre a pris place dans le XXIe siècle et en fait définitivement partie. Mais il y a des défis à la liberté du logiciel libre que nous devons relever.

Le droit des brevets, contrairement à celui du copyright, contient certains aspects attentatoires à la liberté du savoir technique. Si la loi sur le copyright présente sous une forme utilisable la grande ambition du XVIIIe siècle de perfectibilité de l'être humain, la loi sur les brevets ne le fait malheureusement pas. Ce n'est pas surprenant, les penseurs du XVIIIe siècle avaient aussi quelques doutes à propos de la loi sur les brevets. Ils s'interrogeaient sur le « statut des monopoles » et leur longue pratique de la loi anglaise leur donnait beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. Au XXIe siècle, la loi sur les brevets est un assortiment de nuisances malfaisantes. Cela ne fait pas débat. Et dans le domaine du logiciel qui est notre univers, le fonctionnement de cette loi a des caractéristiques particulièrement néfastes. Nous allons devoir travailler dur pour nous assurer que la portée légitime du brevet, qui existe mais est restreinte, ne soit pas étendue par des administrateurs peu scrupuleux au cours du XXIe siècle jusqu'à couvrir la paternité d'idées pour la simple raison que ces idées sont exprimées en langage de programmation informatique plutôt que, par exemple, en anglais ou en termes mathématiques.

C'est notre travail, et c'est un travail que de nombreux avocats intelligents sont en train de faire, mais ils le font partout dans le monde sur des licences variées et d'autres structures juridiques connectées au logiciel, de manière incohérente. Et l'incohérence des moyens qu'ils utilisent pour essayer de lutter contre les menaces posées au logiciel par les brevets nous cause de graves difficultés. Nous avons besoin de conduire un séminaire de haut niveau dans les cinq prochaines années partout dans le monde sur les relations entre la brevetabilité et les idées du logiciel libre, et clarifier pour nous-mêmes quels termes de licence et quelle manière de travailler minimisent les risques posés par les brevets. Il y a ce que je caractériserais pour le moment comme une diversité constructive de points de vue sur le sujet. Mais cette diversité devra être réduite un petit peu par une amélioration de nos processus mentaux si nous voulons à la fin de cette décennie achever ce que nous avons à faire pour maîtriser la croissance du volume de brevets inappropriés et ses effets sur notre forme particulière d'augmentation du savoir humain.

Comme vous le savez, et comme je le dis dans un livre sur lequel je travaille depuis un an, il se passe beaucoup d'autres choses en ce moment sur Internet au sujet de la propriété. La musique, les films et diverses autres formes de culture sont mieux distribuées par des enfants que par les gens qui sont payés pour le faire. Les artistes commencent à découvrir que s'ils autorisent des enfants à distribuer leurs œuvres en toute liberté, ils s'en sortiront mieux que dans l'esclavage actuel où les maintiennent les vautours de la culture. Ces derniers, il est vrai, se font un paquet d'argent grâce à la musique, mais c'est surtout parce qu'ils gardent 94 cents de chaque dollar et en distribuent 6 aux musiciens, ce qui n'est pas très bon pour les musiciens.

Il y a donc beaucoup de bruit en ce moment sur Internet à propos de la propriété, et puisque je ne m'intéresse pas seulement au logiciel libre, je m'intéresse à ce bruit. J'ai un parti pris là-dessus également. Mais ce qui est important pour nous dans notre conversation d'aujourd'hui, c'est que les propriétaires de la culture reconnaissent maintenant la nécessité de mettre en place leur propre méthode de distribution, une méthode dans laquelle la distribution est achetée et vendue, c'est-à-dire traitée comme un bien, et dans laquelle vous ne pouvez distribuer que si vous payez le droit de le faire. À moins de mettre en place cette structure, leur modèle économique est fichu. Et cela exige d'eux ce que je crois vraiment être comparable à une occupation militaire du net. Ils doivent contrôler tous les nœuds d'Internet et, pour chaque flux de bits qui transite à travers ces nœuds, s'assurer que le droit de distribution n'a pas été acheté ou vendu avant de le laisser passer.

C'est précisément parce que le logiciel est libre que les propriétaires de la culture ont besoin d'occuper le matériel d'Internet pour faire fonctionner leur modèle économique. Le logiciel libre, comme Freenet de Ian Clark, ou d'autres logiciels libres impliqués dans le partage de données pair-à-pair, ou simplement TCP/IP, qui a été conçu pour partager des données, présente d'insurmontables obstacles aux personnes qui veulent que chaque flux de bits porte en lui les authentifications de propriété et de distribution et aille uniquement aux endroits qui ont payé pour le recevoir. Le résultat est une tendance croissante à créer ce qui, de manière franchement orwellienne, est appelé « informatique de confiance », c'est-à-dire des ordinateurs en lesquels les utilisateurs ne peuvent avoir confiance. Afin de continuer à avancer vers la libération du savoir dans notre société du XXIe siècle, nous devons empêcher l'informatique de confiance et ses accessoires d'envahir le matériel d'Internet dans le but d'empêcher ce matériel de faire fonctionner des logiciels libres qui partagent l'information librement avec les personnes désireuses de la partager. Remporter le défi posé par l'informatique de confiance est un problème juridique difficile, plus difficile pour l'avocat, quand il s'agit de gérer des licences et de mettre en place des produits logiciels, que le problème d'origine présenté par la libération initiale du logiciel. Ceci, plus que l'amélioration de la structure de distribution du logiciel libre comme nous la connaissons actuellement, est le problème qui m'occupe l'esprit en ce moment.

Mais j'irai un peu plus loin avec vous dans la discussion du problème sous-jacent à celui du matériel libre. Nous vivons actuellement dans un monde dans lequel le matériel est bon marché et le logiciel gratuit, et si tout le matériel continue à fonctionner comme actuellement, notre principal problème sera que la bande passante soit également traitée partout dans le monde comme un produit plutôt qu'un service public. Et en général on a droit à la quantité de bande passante qu'on peut s'offrir. Donc dans le monde actuel, bien que le matériel soit bon marché et le logiciel gratuit, la dissémination du savoir et l'encouragement à la diffusion des sciences et des arts utiles présentent des difficultés majeures, parce que les gens sont trop pauvres pour payer la bande passante dont ils ont besoin pour apprendre.

Cela provient du fait que le spectre électromagnétique a été traité comme une propriété depuis le deuxième quart du XXe siècle. On a dit que c'était techniquement nécessaire, à cause de problèmes d'interférences qui ne sont plus pertinents dans le monde des appareils intelligents. Au XXIe siècle, le problème de loin le plus grave du logiciel libre est de rendre le spectre électromagnétique à l'usage partagé plutôt qu'à l'usage par appropriation. Ici encore, comme vous l'aurez remarqué, le logiciel libre lui-même, logiciel librement exécutable, a un rôle majeur à jouer. Parce que ce sont des radios contrôlées par du logiciel, c'est-à-dire des appareils dont les caractéristiques fonctionnelles sont contenues dans le logiciel et peuvent être modifiées par leurs utilisateurs, qui récupèrent le spectre pour un usage partagé plutôt que privateur. C'est le problème central auquel nous devrons faire face, non pas à la fin de cette décennie, mais durant les deux ou trois décennies suivantes, dans notre effort pour améliorer l'accès au savoir partout dans le monde pour chaque esprit humain. Nous aurons à déterminer comment nous servir des outils techniques et juridiques que nous contrôlons pour libérer le spectre.

Dans cet effort, nous allons affronter une série de propriétaires bien plus puissants que Microsoft et Disney. Il vous suffit de considérer l'actuel pouvoir des oligopoles des télécommunications implantés dans notre société pour comprendre quelle dure bataille ce sera. C'est pourtant celle que nous devons remporter si nous voulons atteindre le milieu du XXIe siècle dans un monde au sein duquel le savoir sera librement disponible pour être partagé par tous. Nous devons faire en sorte que chacun ait un droit inaliénable à la bande passante, une chance suffisante de communiquer, pour être en mesure d'apprendre sur la base de l'accès à tout le savoir disponible. C'est notre plus grand défi juridique. La liberté de la couche logicielle d'Internet est un composant essentiel de cette croisade. Notre capacité à empêcher les appareils que nous utilisons d'être contrôlés par d'autres est un élément essentiel de cette campagne.

Mais au final, c'est notre capacité à unifier tous les éléments de la société de l'information – logiciel, matériel, bande passante – entre des mains partagées, c'est-à-dire entre nos propres mains, qui détermine si nous pouvons réussir à réaliser le grand rêve du XVIIIe siècle, celui qui se trouve dans l'article 1, section 8 de la Constitution des États-Unis, celui qui dit que les êtres humains et la société humaine sont améliorables à l'infini pour peu que nous prenions les dispositions nécessaires à la libération de l'esprit. Voilà notre but réel. Le destin de la société de M. McBride, qu'elle réussisse ou fasse faillite, le destin de l'International Business Machine Corporation elle-même, sont négligeables comparés à cela. Nous menons un mouvement des droits civiques. Nous n'essayons pas de conduire tout le monde, ni une personne en particulier, à la faillite. Qui réussit ou non sur le marché ne nous intéresse pas. Nous avons le regard fixé sur la récompense. Nous savons où nous allons : Liberté. Maintenant.

Merci beaucoup.

Je serai ravi de répondre à vos questions :

Zarren : Les personnes du service des médias m'ont demandé de m'assurer que les gens puissent parler dans le micro quand ils posent leurs questions. Ça serait bien. Il y a un petit bouton pour l'allumer.

Q : Je voulais simplement poser une question de clarification et, enfin bref… Vous semblez, ou non, avoir souligné une dichotomie entre le matériel et le logiciel, dans le sens que le logiciel doit être libre, que c'est un service, un bien public. Vous n'avez que peu parlé du matériel. Et par matériel, je pense d'abord à celui qui est relié au logiciel, mais c'est ensuite généralisable aux machines, n'importe quelle sorte de machine. Comment faites-vous la différence entre les raisons pour lesquelles le logiciel doit être libre et le matériel non ?

Moglen : L'économie politique du XXIe siècle est différente de l'histoire de l'économie passée, car cette économie est remplie de biens qui ont un coût marginal nul. Le raisonnement traditionnel de la microéconomie dépend du fait que les biens en général ont des coûts marginaux non nuls. Cela coûte de l'argent de faire, déplacer et vendre ces biens. La possibilité de liberté pour tous les flux de bits du monde se base sur cette différence, sur ce coût marginal nul caractéristique de l'information numérique. C'est parce que les coûts marginaux du logiciel sont nuls que tout ce que nous avons à faire est de couvrir les frais fixes de sa fabrication pour le rendre libre pour tout le monde, libre mais aussi gratuit.

Le matériel, c'est-à-dire les ordinateurs et, vous savez, les PDA (assistants numériques personnels), ainsi que les chaussures, les tables, les briques dans les murs et même les sièges dans une salle de cours de la Harvard Law School, ont des coûts marginaux non nuls. Et la microéconomie traditionnelle continue de s'y appliquer de la même manière qu'elle le faisait pour Adam Smith, David Ricardo ou Karl Marx. Raisonner sur le matériel est, dans ce sens, comme raisonner sur l'économie dans laquelle nous avons grandi et pose le même problème – comment couvrir les coûts de chaque nouvelle unité – que le marché est censé nous aider à résoudre. C'est précisément parce qu'au XXIe siècle une telle quantité de savoir et de culture humaine ne font plus partie de cette économie traditionnelle de prix, où les coûts marginaux tendent asymptotiquement vers une valeur non nulle, que nous avons tant de possibilités de donner aux gens ce qu'ils n'ont jamais eu auparavant. Et quand je vous parle des différences entre le logiciel et le matériel j'observe implicitement la distinction entre l'économie traditionnelle des coûts marginaux non nuls et la merveilleuse et bizarre économie des flux de bits, dans laquelle la théorie traditionnelle de la microéconomie donne bien la bonne réponse, mais où les microéconomistes traditionnels n'aiment pas ce qu'ils voient quand ils font leurs prévisions.

Q : En d'autre termes, est-ce que vous préconiseriez, puisque le matériel peut contenir de la connaissance et qu'il a ces coûts marginaux supplémentaires, est-ce que vous préconiseriez, par exemple, que chaque ordinateur soit fourni avec les diagrammes des puces de sorte que la connaissance du matériel soit libre, tout en continuant à faire du bénéfice sur les coûts marginaux ?

Moglen : Certainement, ce serait une très bonne idée, et si vous observez ce qui se passe au cours du XXIe siècle vous verrez de plus en plus de fabricants faire précisément cela, grâce à la valeur de l'innovation apportée par l'utilisateur responsabilisé, qui va sans cesse faire diminuer le coût de fabrication de produits nouveaux et meilleurs. C'est bien pour ces raisons, qui sont aussi évidentes aux fabricants qu'à nous, que la logiciellisation du matériel au XXIe siècle est bonne pour tout le monde. Je suis en train d'écrire quelque chose à ce sujet. Je ne veux pas faire la réclame de mon livre, mais attendez un peu et j'essayerai de vous montrer ce que je pense réellement à propos de tout ceci d'une manière ordonnée.

Q : Je me demandais si le procès SCO pourrait devenir le premier d'une longue suite de procès intentés en série et en parallèle contre le logiciel libre ? Et je voudrais connaître votre point de vue sur deux types possibles de procès qui pourraient suivre le chemin tracé par SCO, que SCO gagne ou non. Le premier serait un procès intenté par une société qui se rendrait compte, à sa grande stupeur, qu'au lieu de faire le travail qu'ils sont censés faire avec l'espoir d'acheter leur première maison, ses développeurs passeraient en réalité la moitié de leur temps sur Slashdot et le reste de leur temps codant des logiciels libres, et ne resteraient qu'occasionnellement tard le soir à travailler pour le patron. Si ces programmeurs ont signé avec leur employeur, ce qui est habituel, un accord stipulant que tout logiciel qu'ils écrivent est propriété de la société, peut-être même en tant que travail sur commande, quelles sont les chances que cette société puisse dire « Notre code a été introduit par notre programmeur dans quelque chose comme Linux, et c'est désormais illégal à moins de nous payer des dommages » ? La deuxième possibilité de voir apparaître ce genre de procès serait, quoique cela paraisse étrange, une conséquence de la « règle de prescription des trente-cinq ans », qui normalement devrait être acclamée par des gens dans votre position ; elle dit que le droit du copyright autorise les musiciens et artistes ayant stupidement signé des accords avec de grosses sociétés, sans assistance juridique, quand ils n'étaient encore rien, à les annuler trente-cinq ans plus tard quelles qu'en soient les conditions. Ils peuvent remettre les pendules à zéro et renégocier. Je l'appelle « Rod Stewart Salvation Act » (loi pour la sauvegarde de Rod Stewart) [rires]. Et bien que cela puisse être utile aux artistes, au grand dam de l'industrie musicale, cela ne pourrait-il pas signifier également que les programmeurs de logiciel libre ayant volontairement contribué, sans même en être empêchés par leurs employeurs, ayant contribué au mouvement du logiciel libre, pourraient dire à l'échéance – et trente-cinq ans ne sont pas si longs dans l'histoire d'Unix – « Nous reprenons tout » ?

Moglen : Ce sont deux très bonnes questions. Si je réponds complètement à chacune, je vais prendre trop de temps. Laissez-moi donc me concentrer sur la première, qui à mon avis est vraiment importante. La question de Jonathan vous montre que, pour la liberté du logiciel libre, les grands problèmes juridiques ont moins à voir avec la licence qu'avec le procédé d'assemblage par lequel le produit original est construit. Une des conséquences juridiques du procès SCO est que les gens vont commencer à faire plus attention en permanence à la manière dont les logiciels libres sont construits sur le plan juridique. Ils vont s'apercevoir que ce qui importe vraiment est la manière dont on traite des questions comme, par exemple, les menaces potentielles de revendications de copyright par l'employeur dans le cadre du contrat de travail. Ils vont s'apercevoir que sur cet aspect-là également, M. Stallman a été tout à fait visionnaire ; ils vont en effet reconnaître que la manière dont ils veulent que leurs logiciels libres soient construits est celle qui est utilisée par la Fondation pour le logiciel libre depuis plus de vingt ans. Du train où nous allons, ils vont découvrir ce qu'ils souhaitent vraiment : pour chaque contribution individuelle de code à un projet de logiciel libre de la part d'une personne qui travaille dans l'industrie, une renonciation de l'employeur au copyright établie au moment où la contribution a été effectuée. Et les classeurs de la Fondation pour le logiciel libre vont leur apparaître comme une oasis au milieu d'un désert d'ennuis potentiels. Nous avons vu venir ce problème. En tant que gardiens d'une bonne part du logiciel libre dans le monde, nous avons essayé de le gérer. Les gens vont vouloir se faire un rempart de ceci dans toute la mesure du possible, et ils seront bien plus réticents à faire confiance à du logiciel qui n'aura pas été assemblé de cette façon-là.

Si vous envisagez de travailler dans le droit du logiciel libre, et j'espère bien que c'est le cas, vous pourriez avoir envie, entre autres choses, de travailler sur les trusts de conservation du logiciel qui vont éclore autour de cette économie dans les cinq prochaines années. Je vous aiderai à en faire un, ou vous pouvez venir travailler dans un des miens. Nous allons devoir passer beaucoup de temps à travailler en collaboration avec leurs administrateurs. Nous allons passer beaucoup de temps à faire en sorte que les choses soient bien assemblées et bien bâties. Et nous allons faire cela pour le compte d'une industrie tierce d'assurance qui va bientôt grandir, qui grandit même déjà sous nos yeux, et qui se rend compte qu'elle s'intéresse vraiment à la manière dont le logiciel libre est construit.

Quand vous allez dans une compagnie d'assurance et demandez une assurance contre l'incendie pour votre maison, ils ne cherchent pas à savoir sous quelle licence est placée votre maison. Ils veulent savoir comment elle a été construite. De même, les questions que vous posez sur la manière dont le logiciel libre est construit vont devenir vraiment importantes. Ce qui va couper court à ces procès est que nous avons bien fait notre travail ou que nous faisons bien notre travail de juristes, en aidant les programmeurs à mettre en place leurs projets d'une manière défendable, qui protège la liberté.

Jusqu'à avant-hier, il y avait probablement trois juristes sur terre qui s'intéressaient à ce sujet, et deux d'entre eux sont dans cette salle. Il y en aura d'autres dans un avenir proche. Je dirai rapidement à propos de votre seconde question, Jonathan, que le problème présenté est sérieux, mais, du moins à mon point de vue, qu'il est gérable ; je voudrais bien continuer à en parler, mais je pense que nous devrions entendre plus de voix dans cette conversation.

Q : Sans contester l'importance ou la difficulté de la bataille pour la bande passante, ou le… la bataille sur le copyright et ses développements sont clairement d'actualité, mais ce qui m'inquiète le plus actuellement est la bataille sur les brevets que je vois se profiler à l'horizon. Comparée à cela, toute l'histoire de SCO, eh bien, SCO est un dragon de papier, une menace fantôme. Pouvez-vous nous dire quelque chose sur ce que vous attendez de cette prochaine bataille ? Comment sera-t-elle menée ? Comment peut-elle l'être ?

Moglen : Bien sûr. Les brevets sont un problème politique. Je pensais que l'industrie pharmaceutique m'avait rendu service en nous offrant pour 12 billions de dollars de publicité gratuite dans la dernière décennie, en apprenant à chaque enfant de douze ans scolarisé sur terre ce que signifie « propriété intellectuelle » : que des gens meurent à cause de maladies curables, parce que les médicaments sont trop chers car protégés par des brevets.

Les brevets sont politiques. Les brevets déterminent comment nous distribuons les richesses sur de très longues périodes, d'une façon plutôt absolue. Nous n'allons pas trouver de réponse à notre problème de brevets dans les salles d'audience ni les laboratoires. Il nous faudra lui donner une réponse qui se situe dans la conduite effective de la politique.

Vous en avez vu le début l'été dernier quand le Parlement européen a décidé, dans un mouvement tout à fait inhabituel, de refuser la publication des préférences de la Commission au sujet de changements du droit des brevets en Europe dans le domaine des inventions logicielles.

La Commission européenne a suggéré un changement et une harmonisation du droit européen des brevets qui aurait rendu l'émission de brevets pour des inventions logicielles beaucoup plus facile. Le Parlement européen, après une longue campagne, en partie menée par le mouvement du logiciel libre en Europe – c'est-à-dire Euro Linux et la Fondation pour le logiciel libre Europe, ainsi que beaucoup de petites entreprises européennes de logiciel bénéficiant considérablement du nouveau modèle de logiciel en tant que service public – une campagne qui a impliqué au final 250 000 signataires de pétition, le Parlement a finalement décidé de refuser. Et deux partis au Parlement européen, les Verts et les Sociaux-démocrates, comprennent maintenant que la politique des brevets en Europe est un problème partisan. C'est-à-dire qu'il y a deux camps, et que l'organisation des partis et de la politique électorale peuvent être conduites sur cette base.

Notre société est beaucoup moins sensibilisée à cette question. Pour ceux d'entre nous qui habitent ici, la tâche de nous aligner sur le standard établi pour nous par nos collègues européens l'été dernier est notre premier et plus important défi. Nous devons faire comprendre aux membres de notre Congrès que le droit des brevets n'est pas un sujet de droit administratif devant être décidé au PTO (Office des brevets et des marques déposées), mais un sujet politique devant être décidé par nos législateurs. Nous allons peut-être devoir restaurer une réelle démocratie à la Chambre des représentants des États-Unis afin de rendre ceci possible, et il y a beaucoup d'autres aspects à ce défi.

Mais c'est l'un des aspects principaux pour lesquels les personnes techniquement éduquées aux États-Unis vont devoir apprendre les arcanes de la politique, parce que nous n'allons résoudre ceci ni à la Cour suprême, ni à notre poste de travail. Nous allons résoudre ceci au Congrès, et nous allons devoir nous muscler pour le faire.

Q : À ce propos, je suis curieux : ce n'est peut-être pas tant un sujet juridique qu'un sujet de relations publiques. Vous avez commencé par dire : il s'agit de liberté et non pas de gratuité. Mais quand vous écoutez des personnes comme Jack Valenti et la RIAA,9 vous savez, et M. McBride, la rengaine est toujours cette idée de gratuité et d'apprendre aux enfants qu'il ne faut pas voler, vous savez, Big Music. Comment peut-on gagner sur le terrain cette bataille de relations publiques qui, au final, aura des ramifications jusqu'au Congrès ? Comment, comment faites-vous parvenir ce message en dehors de la communauté technologique ?

Moglen : Eh bien, une des choses que j'aimerais dire à ce sujet est que la langue anglaise est contre nous sur ce point, n'est-ce pas ? Une des choses qui se sont passées au cours du temps dans nos environnements européens, dans lesquels free au sens de gratuit et free au sens de libre sont deux mots différents, est que les gens ont saisi la distinction beaucoup plus facilement.

« Software libre », ou « logiciel libre »10 si vous voulez suivre l'Académie française, réussit bien à faire cette distinction que free software ne fait pas. C'est pour cela que, vers la fin des années 90, certains se sont dits que peut-être ils devraient essayer de trouver un nouveau terme, et se sont finalement décidés pour « open source ». Finalement ce terme a apporté plus d'ennuis que d'avantages aux gens qui l'ont trouvé, quoiqu'il fonctionne vraiment bien maintenant pour les entreprises comme moyen d'identifier leur intérêt dans ce que nous faisons, sans s'engager dans des philosophies politiques ou sociales que ces hommes d'affaire ne partagent pas, ou en tout cas n'ont pas besoin de crier sur les toits pour faire leur travail de tous les jours.

Donc une des choses que nous sommes obligés de faire, nous qui parlons anglais, est d'insister de temps en temps, en fait tout le temps, sur la distinction entre free beer et free speech. D'un autre côté, ceux d'entre nous qui habitent aux États-Unis et parlent anglais ne devraient pas avoir trop de souci à ce propos puisque la liberté d'expression est beaucoup mieux implantée dans la culture américaine que la bière gratuite. Du moins c'était vrai dans le monde où j'ai grandi, quoi que Rupert Murdoch veuille dire à ce sujet maintenant.

Nous sommes le parti de la liberté d'expression, et nous devons faire remarquer aux gens que si l'on autorise n'importe qui, y compris un lobbyiste bien habillé à la mode d'autrefois, à déclarer que l'amour de la liberté d'expression c'est comme sortir d'un magasin de disque avec un CD sous le bras, alors c'est perdu. Non pas le jeu à propos du logiciel libre, mais le jeu de la liberté et de la vie dans une société libre.

Nous défendons la liberté d'expression. Nous sommes le « Mouvement pour la liberté d'expression »11 de notre époque. Et nous devons insister là-dessus en permanence, sans compromis. Mon cher ami, M. Stallman, a provoqué une résistance certaine au cours de sa vie en allant dire partout : « C'est du logiciel libre, pas de l'open source. » Il a une raison. C'est la raison. Nous avons continuellement besoin de rappeler aux gens que c'est la liberté d'expression qui est en jeu ici. Nous avons continuellement besoin de rappeler aux gens ce que nous faisons : essayer de protéger la liberté des idées au XXIe siècle, dans un monde où des types avec des petites étiquettes de prix autocollantes les poseraient sur chaque idée de la terre si cela faisait faire des bénéfices aux actionnaires. Et ce que nous devons faire, c'est continuer à mieux faire accepter l'idée que « liberté d'expression », dans une société technologique, signifie « liberté d'expression technologique ». Je pense que nous pouvons faire cela. Je pense que c'est un message qui peut passer.

C'est à cela que je consacre une grande partie de mon temps, et bien qu'à l'occasion il est vrai, les gens me trouvent ennuyeux, je pense du moins réussir à peu près à faire passer ce message. Il va falloir simplement que nous le fassions tous avec beaucoup d'assiduité.

Q : Je vais vous poser une question. Vous avez beaucoup parlé de la distribution et de la raison pour laquelle vous pensez qu'elle devrait être libre. Je pense comprendre cet argument beaucoup mieux que je ne comprends l'argument selon lequel les créateurs de biens à coûts marginaux de distribution nuls seront nécessairement rétribués pour ce qu'ils créent ; j'ai beaucoup entendu parler, et je ne pense pas que cela soit un de vos arguments, mais j'ai entendu dire, OK, eh bien, que les musiciens feront des tournées, donc qu'ils se rattraperont de cette façon, vous savez, quel que soit le temps qu'ils y aient consacré. Ou encore, que les gens continueront à créer ce qu'ils créent, et cela s'applique à plus de chose que juste les films et la musique, cela s'applique aussi aux livres, ou aux choses contenant du savoir autres que de loisir, n'importe lesquelles. Vous entendez dire que les gens vont continuer à en faire la même quantité parce qu'ils aiment le faire ou que ça les intéresse, mais je ne pense pas que cela compense vraiment les indemnisations que beaucoup de ces créateurs reçoivent maintenant. Et donc je me demandais si vous pouviez nous dire brièvement en quoi le monde de la libre distribution – différent du monde actuel dans lequel la plupart des régimes de distribution ont été créés spécialement pour indemniser les gens – sera différent en ce qui concerne l'indemnisation des auteurs.

Moglen : Je vais en parler un petit peu maintenant, et pour gagner du temps dire aussi que vous pouvez trouver sur le net un papier à l'endroit où je mets des choses c'est-à-dire http://moglen.law.columbia.edu, un papier appelé Freeing the Mind (Libérer l'esprit), qui répond à cette question, j'espère de façon complète, ou du moins à peu près. Maintenant, permettez-moi de vous donner une réponse.

Pour commencer, il est utile d'avoir une perspective historique. Avant Thomas Edison, il n'y avait pas moyen que la culture soit un bien de consommation de masse. Chaque musicien, chaque artiste, chaque créateur de n'importe quoi avant Thomas Edison faisait essentiellement ce que nous en sommes maintenant revenus à faire, excepté ceux qui vivaient dans un monde de biens qui pouvaient être distribués sous forme imprimée, pour qui il vous suffit de remonter avant Gutenberg. N'est-ce pas ?

L'évolution de la culture en consommation de masse est un phénomène récent, par rapport à l'ancienneté de l'histoire de la créativité humaine. Quoi que nous croyions d'autre, et les problèmes sont graves, nous devons garder à l'esprit que la musique n'aurait aucune chance de disparaître si elle cessait d'être un produit de masse. La musique est toujours présente. Elle l'a toujours été.

Ce sur quoi vous vous interrogez est : pourquoi les gens payent-ils pour les choses auxquelles ils s'intéressent, d'une manière qui permette aux créateurs de continuer à les faire ? Et la réponse que je dois vous donner est que les gens payent pour la relation personnelle qu'ils ont avec le concept de réalisation d'une œuvre.

Les musiciens étaient payés par les gens qui écoutaient de la musique, parce que ces derniers avaient une relation personnelle avec eux. C'est ce que vous voulez dire par « faire des tournées » ; « The Grateful Dead », ou n'importe qui d'autre, utilise le coût marginal non nul des sièges de salle de concert pour se rembourser, de la même manière que des gens font du commerce pour se rembourser.

Pensez un instant au chanteur-compositeur de musique folklorique du monde des coffee house. Le cas le plus simple, d'une certaine façon, de la transformation de l'industrie musicale. Voilà des gens qui actuellement sont en tournée 40, 45, 50 semaines par an. Ce qui se passe est qu'à l'endroit où ils jouent, leurs CD sont en vente au fond de la salle, mais les gens n'achètent pas ces CD genre, vous savez, « sinon je volerais la musique » ; ils les achètent de la même manière qu'ils achètent des produits au marché ou à une foire d'artisans, à cause de leur relation personnelle avec l'artiste.

Donc laissez-moi vous dire ce que je pense que les propriétaires de la culture faisaient au XXe siècle. Ça leur a pris deux générations à partir d'Edison pour se rendre compte de ce qu'était leur affaire, et ce n'était ni la musique ni les films. C'était la célébrité. Ils créaient de grandes personnes artificielles, vous savez, avec des nombrils à 3 m du sol. Et ensuite nous avions ces relations personnelles imaginaires avec ces grandes personnes artificielles. Ces relations personnelles étaient manipulées pour nous vendre des tonnes de choses, de la musique et des films et des T-shirts et des jouets et, vous savez, de la gratification sexuelle et dieu sait quoi d'autre. Tout cela basé sur l'économie réelle sous-jacente de la culture, qui est que nous payons pour ce avec quoi nous avons des relations. Nous sommes des êtres humains, des animaux sociaux. Nous avons été socialisés et avons évolué pour vivre en groupe depuis très longtemps. Et quand on nous donne des choses belles et utiles dans lesquelles nous croyons, nous les soutenons réellement.

Vous pensez que ce n'est pas vrai, parce que le gratin actuel de la vie sociale dit que ce n'est pas un mécanisme assez robuste pour maintenir la création, et que le seul mécanisme qui maintiendra la création est l'exclusion coercitive – vous ne pouvez pas l'avoir si vous ne payez pas.

Mais ils ne peuvent avoir raison historiquement, parce que la possibilité de contraindre efficacement est quelque chose de passé. La longue, riche histoire de la culture est l'histoire de mécanismes non coercitifs assurant l'indemnisation des artistes, et nous sommes maintenant en position d'améliorer immensément certains d'entre eux.

Q : Mais qu'en est-il de l'auteur de logiciel ?

Moglen : Ah, le logiciel…

Q : C'est plus de ce genre de chose que je voulais parler avec ma question. Donc vous avez quelqu'un qui crée quelque chose d'utile mais qui a un coût de distribution nul, et c'est utile d'une manière qui n'est pas, pas utile comme la célébrité, bien que je n'en sois pas sûr, je ne pense pas que ce soit utile de cette manière, mais c'est utile dans le sens où cela prend beaucoup de temps pour bien le créer.

Moglen : Voyez-vous, les programmeurs avec qui j'ai travaillé toute ma vie se considéraient comme des artisans, et c'était extrêmement difficile de les organiser. Ils se considéraient comme des créateurs individuels. Les auteurs de logiciel commencent en ce moment à perdre ce sentiment, car le monde les prolétarise beaucoup plus durement que par le passé. Ils commencent à remarquer qu'ils sont ouvriers, et pas seulement cela ; si vous faites attention à la campagne présidentielle qui a lieu actuellement autour de nous, ils se rendent compte du fait qu'avec les échanges internationaux, leurs emplois d'ouvriers sont délocalisables .

Nous faisons vraiment plus pour protéger le gagne-pain des programmeurs que les gens du système privateur. M. Gates a seulement un certain nombre d'emplois, et il les déplacera vers l'endroit où la programmation est meilleur marché. Regardez donc ce qui se passe. Nous, au contraire, permettons aux gens d'acquérir un savoir technique qu'ils peuvent adapter et négocier dans le monde où ils vivent. Nous fabriquons des programmeurs, n'est-ce pas ? Et nous leur donnons une base avec laquelle ils peuvent exercer leur activité de service à tous les niveaux de l'économie, du plus bas au plus élevé.

Il y a maintenant du travail de programmation pour des gamins de quatorze ans partout dans le monde, parce qu'ils ont l'intégralité de GNU sur laquelle bâtir tout ce qu'une personne de leur voisinage désire acheter, et la valeur que nous produisons pour IBM justifie un investissement de plusieurs milliards de dollars.

Si j'étais employé par IBM en ce moment, je considérerais mon emploi comme plus stable grâce au logiciel libre que si le logiciel libre disparaissait de la surface de la terre ; je pense que la plupart des personnes qui travaillent chez IBM seraient d'accord avec moi.

De toutes les personnes qui participent à l'économie de coût marginal nul, je pense que les programmeurs sont ceux qui peuvent voir le mieux où se situe leur avantage, et si vous attendez simplement que partent vers Bangalore quelques dizaines de milliers d'emplois supplémentaires, ils le verront encore plus clairement.

Q : Donc, l'auteur écrit un logiciel. Au moment où le logiciel est fixé dans un support tangible, le copyright s'y attache ; personne d'autre ne peut l'utiliser sans autre action de l'auteur. L'auteur choisit d'adopter la licence publique générale pour gérer ce que les autres peuvent faire avec le logiciel, et vous avez dit alors cette chose intrigante que la GPL donne [des permissions], dans certaines limites, et c'est pourquoi vous avez fait remarquer que personne ne veut vraiment la défier car ce serait un défi à la Pyrrhus. Si vous gagnez et que la licence s'évapore, alors cela revient automatiquement à l'auteur. Cela semble convaincant et prouve presque trop, n'est-ce pas ? Parce que, supposons qu'un autre auteur écrive du logiciel, qu'il l'écrive pour le moment avec l'auteur et choisisse de le placer sous la Grand Old Party License,12 selon laquelle seuls les Républicains peuvent en tirer des travaux dérivés et d'autre choses qui, sinon, seraient des infractions au copyright du logiciel. Premièrement, pensez-vous que les tribunaux devraient faire appliquer une licence de ce type ? Et en deuxième lieu, ne pourrait-on pas dire que la même logique s'appliquerait, que personne n'oserait la défier car un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ? Au moins, laissons les Républicains utiliser le logiciel.

Moglen : Fondamentalement vous posez, je crois, la question suivante : est-ce que l'abus de la loi sur le copyright a entièrement disparu ? Et je pense que la réponse, malgré la déférence actuelle de la Cour suprême envers ce que le Congrès choisit de dire, est non. Je pense que l'habitude de dépasser les bornes existe toujours, et en tant qu'avocat travaillant pour des gens qui sont plutôt militants pour le partage, je les entends en permanence proposer des choses que, d'après eux, il serait vraiment bien de faire, et que, d'après moi, le droit du copyright ne leur permettra pas de faire sans le modifier par des contrats additionnels.

Je pense que le panel d'outils actuels de la loi sur le copyright harmonisée par les accords de Berne pose certaines limites au pouvoir du donneur de licence, et je crois que ces limites sont suffisamment larges pour nous autoriser à créer la sorte de biens communs auto-réparables que nous avons créés, mais je ne suis pas sûr qu'elles seraient assez fortes pour permettre l'importation de beaucoup de restrictions contractuelles supplémentaires en tant que partie intégrante de la loi sur le copyright.

De plus je suis à peu près sûr que si vous essayiez et réussissiez dans une juridiction, vous vous rendriez compte que la Convention de Berne n'a pas exporté toutes ces propositions dans le monde pour vous, et que donc vous auriez des difficultés à ériger un empire mondial autour de la GPL.

Mais je pense que vous avez raison quand vous dites autre chose, à savoir que s'il y avait dans le monde beaucoup de biens communs capables d'autodéfense, bâtis selon différents principes, cela créerait des procès poids-morts indésirables ; c'est pour cela que je passe une bonne partie de mon temps à essayer d'aider les gens à voir pourquoi la GPL est bonne et n'a pas besoin d'être transformée en XPL ou YPL et ZPL ailleurs dans le monde. En fait je pense que, dans les prochaines années, nous allons avoir une réduction du nombre des licences plutôt qu'une multiplication croissante. Mais c'est un problème conceptuel d'importance ; il repose sur la croyance que la loi sur le copyright, en soi, autorise certaines choses et pas d'autres, et que la seule manière de boucher ces trous est avec le type de loi du contrat que nous essayons de ne pas utiliser.

Q : Pouvez-vous recommander un économiste qui ait étudié l'économie à coût marginal nul ?

Moglen : Eh bien, voyez-vous, je dis parfois en plaisantant à mon cher collègue, Yochai Benkler de la Yale Law School, que Yochai est maintenant bien placé pour gagner la finale du prix Nobel en économie. Mais je crains que ce ne soit pas tout à fait vrai et qu'une foule d'autres gens commencent à arriver. J'ai un peu le sentiment que tôt ou tard je vais me réveiller pour découvrir qu'à Stockholm ils ont décidé d'attribuer un prix pour l'enseignement de l'économie à des personnes que nous connaissons depuis vingt-cinq ans.

Eric von Hippel réalise un travail très important à ce sujet, si vous voulez ne vous intéresser qu'aux personnes du voisinage. Nous commençons à avoir dans nos écoles de commerce un tas de gens qui essayent réellement de réfléchir à ces questions, parce qu'ils voient des paris de plusieurs milliards de dollars et que, dans la bonne tradition des écoles de commerce, ils découvrent qu'ils devraient s'intéresser aux préoccupations des riches hommes d'affaire et de leurs investisseurs.

Dans les départements d'économie pure, malheureusement nous restons encore un phénomène trop dérangeant pour être consultés. Mais bien sûr, les étudiants en doctorat ne font pas toujours ce que font leurs professeurs, et j'ai l'intuition que nous sommes à quelques années seulement du début d'une grande avancée sur ces sujets.

C'est une énorme et magnifique occasion de revoir tout le domaine. Même dans une discipline comme l'économie, on ne peut empêcher les gens de travailler sur un problème vraiment intéressant que pendant un temps limité. Et ce temps est écoulé.

Q : Juste une question générale sur les forces de marché et l'économie du logiciel libre. Même dans un monde idéal, ne diriez-vous pas que, vous savez, à cause des forces de marché et ensuite nous, vous savez, un groupe de joueurs devient spécialement puissant, et en fait ils – même si c'est un monde idéal – ils deviennent vraiment assez puissants et créent une nouvelle fois des monopoles basés sur des standards, et nous revenons au système que nous avons aujourd'hui. Donc finalement ma question est : notre système économique, basé sur le produit, est-il juste une conséquence de la structure que nous avons, ou est-ce le résultat des forces de marché ?

Moglen : Eh bien, la structure que nous avons constitue ce que nous appelons une force de marché. Je ne voudrais pas affirmer que le marché est un mécanisme newtonien qui existait dans l'univers indépendamment de l'interaction sociale humaine.

Voyez-vous, ce que nous essayons de faire, à travers des institutions juridiques dédiées à la protection des biens communs, est d'éviter que ces biens communs ne subissent une tragédie. Du fait que le contenu de ces biens communs est capable de renouvellement et a un coût marginal nul, la tragédie que nous essayons d'éviter n'est pas celle de Garrett Hardin,13 qui était basée sur le caractère épuisable des ressources naturelles d'un certain type. Mais il est certain que les biens communs que nous fabriquons sont susceptibles d'être accaparés et détruits de la manière que vous suggérez.

Ceux d'entre nous qui croient que la GNU GPL est une licence particulièrement importante le croient parce qu'ils pensent que d'autres licences protègent trop faiblement les biens communs et pourraient être sujettes à une forme d'appropriation, destructrice à terme. C'est notre souci avec les libertés offertes, par exemple, par la licence BSD. Bien que les libertés à court terme semblent plus grandes, nous avons peur que les résultats à long terme ne se rapprochent de ceux que vous montrez : des participants au marché, libres de s'approprier le contenu des biens communs, pourraient avoir suffisamment de succès dans leur appropriation pour les rendre complètement inutilisables, tuant ainsi la poule ayant pondu l'œuf d'or initial.

Donc, d'une certaine manière, je dirais qu'éviter la tragédie des biens communs dans notre monde dépend de leur structure. Cependant, comme ce ne sont que des institutions, ainsi que je l'ai signalé précédemment dans cette conversation, les biens communs nécessitent une gestion active.

Vous, en tant qu'avocat, soit vous aiderez à protéger les biens communs, soit à ne pas les protéger. C'est une forme de loi sur les ressources naturelles du XXIe siècle. C'est prendre conscience qu'aucune machine ne peut se lancer elle-même, qu'elle nécessitera de l'aide pour pouvoir atteindre ses buts de la manière précise que vous avez en tête.

La meilleure loi au monde sur les parcs nationaux n'empêchera par le braconnage s'il n'y a pas des personnes engagées désireuses de la défendre. Donc vous présentez une théorie générale de la possibilité de destruction des biens communs et je suis d'accord avec vous. Je dirai deux choses. Nous pouvons établir de meilleurs biens communs, et nous pouvons nous démener pour garder ces biens communs vigoureux et en bonne santé. C'est ce à quoi je m'emploie. C'est ce à quoi, j'espère, vous vous emploierez également.


Notes de traduction
  1.   Free as in freedom, not free as in beer signifie : libre, pas gratuit.
  2.   Allusion à la théorie de l'évolution de Darwin.
  3.   Il s'agit de l'article 1, section 8, de la Constitution des États-Unis : « Le Congrès aura le pouvoir… de favoriser le progrès de la science et des arts utiles en assurant, pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs le droit exclusif à leurs écrits et découvertes respectifs. »
  4.   Court watching : les court watchers sont des personnes qui assistent aux procès pour observer le comportement des juges et le déroulement de la procédure ; l'information recueillie peut servir, par exemple, à faire des recommandations pour améliorer le fonctionnement des tribunaux, ou à demander le renvoi d'un juge.
  5.   En droit américain, le holding d'une affaire est l'ensemble des faits qui sont assez généraux pour éventuellement donner lieu à jurisprudence ; le dicta est l'ensemble des faits qui sont particuliers à cette affaire.
  6.   Allusion probable à la clé permettant de déverrouiller un programme. Sans cette clé, le programme s'arrête instantanément.
  7.   Au douzième coup de minuit le soir de la Saint-Sylvestre, une énorme boule de cristal descend traditionnellement sur Times Square, à New York.
  8.   Autre traduction de proprietary : propriétaire.
  9.   Association des industries de l'enregistrement d'Amérique.
  10.   En français dans le texte.
  11.   Free Speech Movement : mouvement de contestation qui se manifesta pendant l'année scolaire 1964-1965 à l'université de Californie, sur le campus de Berkeley.
  12.   The Great Old Party désigne traditionnellement le parti républicain des États-Unis.
  13.   Garrett Harding est l'auteur de The Tragedy of the Commons (La tragédie des biens communs), essai écrit en 1968, qui souligne les dommages que peuvent causer les individus à l'environnement par leurs actions innocentes.